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Débuts difficiles et conflits sociaux

Débuts difficiles et conflits sociaux

Sans l’engagement des sœurs de l’Oeuvre de Saint-Paul dès 1874, La Liberté aurait peut-être disparu.

C’est dans un contexte tourmenté qu’est publié le premier numéro de La Liberté, le dimanche 1er octobre 1871. En Europe, mais aussi en Suisse, une guerre religieuse (Kulturkampf) fait rage. «La mise sous pression d’une Eglise romaine affirmant sa primauté et l’infaillibilité de son chef face au rationalisme, au libéralisme et au nationalisme nourrit une réaction d’assiégés chez ses fidèles», écrit François Python dans l’ouvrage consacré aux 150 ans de La Liberté. Parmi eux, l’abbé Joseph Schorderet – ordonné prêtre en 1866 – joue un rôle central dans les premiers pas de ce nouveau journal catholique à Fribourg.

980

Le nombre de tirages de «La Liberté» en 1871

Le religieux entend combattre toute tentative de fonder en Suisse une Eglise nationale soumise à l’Etat et non au pape. Ayant acquis une expérience dans la presse, Joseph Schorderet rêve de fonder un quotidien qui défendrait les catholiques. Il contribue à activer l’Association suisse de Pie IX, qui tient un congrès national à Fribourg les 29 et 30 août 1871. La décision est prise de lancer un quotidien catholique.

Un mois plus tard, le 1er octobre, paraît donc le premier numéro de La Liberté. Ce nom souligne l’idée de la liberté collective des catholiques et s’oppose aux doctrines libérales. Les débuts sont modestes et fin 1871, le journal ne tire qu’à 980 exemplaires. Le 29 janvier 1872, une «Société anonyme d’imprimerie suisse catholique» voit le jour. Elle a pour but d’assurer la publication de plusieurs journaux, dont La Liberté.

Conflits avec le personnel

Les années suivantes sont marquées par de fréquents conflits avec le personnel. Les ouvriers typographes souhaitent de meilleures conditions de travail. Or une grève pourrait être fatale au journal, dont la situation financière est encore fragile.

Joseph Schorderet s’inquiète et décide de prendre les devants. Il réunit plusieurs jeunes femmes très pieuses (la Congrégation des Enfants de Marie) qui souhaitent s’investir pour leur foi. Le chanoine leur propose d’aller discrètement se former à la typographie à Lyon, à une époque où ce métier était réservé aux hommes. C’est ainsi que huit jeunes filles quittent Fribourg pour la France le 27 avril 1874. Censées rester trois mois sur place, elles doivent rentrer précipitamment en Suisse après quatre semaines déjà, car leur périple a été éventé à Fribourg, ce qui provoque des remous au sein de l’imprimerie.

«A leur arrivée, les ouvriers typographes donnent leur congé, persuadés qu’ils seront rapidement rappelés. Les jeunes femmes prennent leur place et composent le journal qui paraît le jour même, 25 mai 1874, à l’heure habituelle», raconte Anne Philipona dans l’ouvrage consacré aux 150 ans de La Liberté. Dans la nuit du 5 au 6 juin 1874, les jeunes femmes prononcent leurs vœux dans le plus grand secret et rejoignent ainsi la Congrégation de Saint-Paul, fondée quelques mois plus tôt par le chanoine Schorderet.

«Cette cérémonie est entourée de mystère, parce que la nouvelle Constitution fédérale, acceptée par le peuple et les cantons le 19 avril de la même année mais refusée par les cantons catholiques conservateurs, interdit la création de couvents ou d’ordres religieux», poursuit Anne Philipona. D’ailleurs, officiellement, l’Œuvre de Saint-Paul prend le nom de Société d’ouvrières typographes. Même si les débuts sont difficiles pour les sœurs, leur nombre s’accroît, passant de sept en 1874 à 70 en 1878. Ce n’est toutefois qu’en 1892 qu’elles deviennent propriétaires du journal.

Les journées de travail sont longues et se font en silence, ponctuées de moments de prière. Une fois leur apprentissage de trois ans terminé, les sœurs reçoivent un salaire, qui est cependant versé sur le compte de l’Œuvre de Saint-Paul. A noter qu’aux côtés des religieuses, du personnel masculin a toujours été présent.


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