1984: L’élection d’Elisabeth Kopp
L’événement historique qu’a représenté l’élection d’Elisabeth Kopp, première conseillère fédérale, a fait la Une illustrée de La Liberté du 3 octobre 1984. Décrite comme «sensible et volontaire» dans un bref portrait en première page, l’élue zurichoise fait également l’objet d’un éditorial intitulé «Hymne à la joie». François Gross, rédacteur en chef de l’époque, se réjouit qu’une femme siège enfin au Conseil fédéral et juge même qu’Elisabeth Kopp peut être «l’avenir de l’homme».
A l’intérieur du cahier, l’entier de la page 3 est consacré à cette élection relatée en quatre actes: l’élection, la réaction d’Elisabeth Kopp, celle de plusieurs parlementaires et enfin la liesse dans sa commune, Zumikon. Le tout agrémenté de quatre photos de la nouvelle conseillère fédérale.
Contrairement aux articles consacrés à des événements plus anciens, celui-ci est ponctué de citations directes. Le style se rapproche donc davantage de ce que nous connaissons aujourd’hui dans la presse écrite. En revanche, les journalistes actuels n’écriraient plus des descriptions comme «Il a plu à tout le monde l’ensemble bleu foncé et mauve porté hier par Elisabeth Kopp. La chaîne en or itou. Chic et simple.»
1989: Les coulisses d’une réunification
«Le rideau de fer s’ouvre». C’est le titre qui figure en couverture de La Liberté, ce vendredi 10 novembre 1989. Le papier d’agence de cette édition revient sur la décision historique prise la veille par la République démocratique d’Allemagne (RDA) d’ouvrir ses frontières vers son voisin de l’ouest, qualifiant la décision de «mesure spectaculaire». Le journaliste Charles Bays, qui rapporte dans son commentaire que cette annonce est aussi faite par la RDA pour «endiguer l’hémorragie humaine qui vide le pays de ses forces», presse la portée significative de cet acte en parlant d’«événement majeur de l’après-guerre». Correspondant depuis Bonn en République fédérale d’Allemagne (RFA), Marcel Delvaux revient sur la crise du logement induite par l’«exode des réfugiés est-allemands», mais ne donne que peu d’informations supplémentaires aux lecteurs, qui devront patienter jusqu’au lendemain pour apprendre que la démolition du mur est en cours à Berlin.
«Explosion d’une joie inquiète», «La peur d’une évolution incontrôlable», évocateurs du climat politique incertain, les titres de l’édition du samedi/dimanche 11-12 novembre 1989, qui fait la part belle aux événements et à leur contexte par l’entremise de papiers d’agence, rappellent qu’au-delà de la «satisfaction unanime» engendrée par les réformes annoncées en RDA, de grandes incertitudes pèsent sur le futur allemand. Ilse-Marie Cottier, épouse du conseiller d’Etat interrogée en tant que personnalité fribourgeoise sur les événements, de préciser: «Quarante ans de séparation, cela ne s’oublie pas tout de suite».
«Polémique à Bonn sur la RDA», «Il propose une Confédération allemande»: les correspondants à Bonn Marcel Linden et Marcel Delvaux se relaient chaque semaine dans les pages de La Liberté pour faire vivre aux lecteurs tous les rebondissements de cette saga géopolitique historique. La Une du 3 octobre 1990 célèbre la réunification officielle des deux Allemagnes sous le titre «L’union dans la liesse».
2001: Le choc des attentats terroristes
Durant neuf jours, La Liberté consacre sa couverture aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, qui ont durement frappé les Américains. Le mercredi 12 septembre, sous le titre «Les Etats-Unis plongés dans la terreur», écrit dans une police inhabituelle, jaune sur fond noir, le quotidien traite pour la première fois du drame. A droite de la page, un éditorial signé par le rédacteur en chef d’alors, Roger de Diesbach, qui, à la recherche d’un coupable, dirige déjà le regard des lecteurs vers l’organisation terroriste d’Oussama Ben Laden et appelle à une réponse réfléchie: «Il faut priver les fondamentalistes islamistes de leur principale base arrière: la majorité du monde qui vit toujours dans la misère.»
Sur les quatre premières pages de l’édition se succèdent témoignages de rescapés, réactions suisses, compte rendu détaillé du parcours des quatre Boeings détournés, dessins de presse, infographie ou encore conséquences économiques. «Les Etats-Unis n’ont pas voulu cette guerre, car c’est bien d’une guerre qu’il s’agit, mais nous ne pouvons pas nous permettre de refuser de la mener», analyse Pascal Baeriswyl. Dans un texte introspectif, le journaliste André Klopmann prophétise: «Dans vingt ans, chacun saura ce qu’il faisait exactement le 11 septembre 2001, à l’heure où l’Amérique et le monde ont changé d’époque».
La Liberté couvre assidûment l’actualité et les conséquences directes des attentats jusqu’au 21 septembre, consacrant chaque jour plusieurs pages aux événements. Le 7 octobre 2001, la guerre antiterroriste menée par le président américain George W. Bush éclate.
2005: Pape Jean-Paul II: santo subito!
Au soir du samedi 2 avril 2005, après 26ans d’un règne d’exception, le «pèlerin du monde» Jean-Paul II entamait son «dernier voyage». Le matin même, alors que des milliers de fidèles étaient réunis à son chevet sur la place Saint-Pierre, La Liberté lui consacrait déjà dix pages d’hommage. «A lui est revenu de clore le siècle qui a voulu se passer de Dieu, et qui fut le siècle d’Auschwitz et du Goulag, le siècle des grandes espérances et des plus grands crimes. Jamais ce pape n’a cessé de lui tendre la main, disant sa confiance dans l’homme parce qu’il avait, lui, confiance en Dieu», écrit le journaliste Patrice Favre, rappelant le slogan rassurant du pontife polonais: «N’ayez pas peur».
En première page, sous l’image iconique d’un pape souffrant s’agrippant à sa croix, le réacteur en chef de La Liberté, Louis Ruffieux, relève ses inlassables combats, saisissants de contrastes: «Jean-Paul II, déstabilisateur du bloc communiste et du monde version Yalta, mais pourfendeur du capitalisme sauvage et premier «altermondialiste». Missionnaire du rapprochement interreligieux, mais rigide sur les positions morales les plus controversées de l’Eglise catholique. Excommunicateur de Mgr Lefebvre, mais sanctificateur du fondateur de l’Opus Dei. Censeur de la société moderne, de ses veaux d’or et de sa «culture de la mort», mais formidable catalyseur de la jeunesse, qui l’écoute à défaut de toujours l’entendre.»
Le lundi 4 avril, alors que toute la «génération Jean-Paul II» pleure son pape, le quotidien fribourgeois publie à nouveau huit pages de réactions «unanimes»: de sa Pologne natale à Cuba ou Israël, des Etats-Unis au monde arabe, la planète entière vante ce «champion de la réconciliation». Fribourg n’est pas en reste: à l’évêché, plus de trois cents Fribourgeois, passant sous deux drapeaux du Vatican crêpés de noir, se succèdent devant deux gardes suisses en grande tenue pour manifester, sur le livre de condoléances, «leur tristesse, leur amour humble et leur admiration pour le souverain pontife et le courage qu’il a manifesté jusqu’à son dernier jour».
«L’ampleur des réactions à son décès, au travers du monde, transcende les clivages politiques, religieux ou culturels», commente Pascal Baeriswyl. «Jusque dans la mort, le pape qui vient de s’éteindre aura su toucher le cœur de tout un chacun, du balayeur au président.» Déjà, le mot est lancé: Jean-Paul II est «un saint». Sa canonisation par le pape François aura lieu en 2014.